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La vidéo-protection a fait débat à la MJC
Le jeudi 15 janvier 2015 avait lieu le premier café-citoyen de l'année à la MJC, dont le sujet était l'installation de la vidéo-protection dans les rues de Chenôve. En présence de M. le maire, Jean Esmonin, et du sociologue Eric Heilmann, les habitants ont pu discuter de la mise en place de caméras de surveillance dans les rues de la ville.
A l'occasion du café-citoyen du 15 janvier organisé à la MJC, une trentaine de personnes ont pu se questionnées sur l'installation de caméras de vidéo-protection sur la commune de Chenôve. Pour répondre à leur remarques et questions, le maire de la commune, Jean Esmonin, ainsi que des élus de l'équipe municipale, et Eric Heilmann, sociologue et maître de conférence à l'Université de Bourgogne.
Le débat
Lors de cette soirée, le choix de la vidéo-protection a pu être débattu sous plusieurs aspects. Comme l'a expliqué Eric Heilmann, l'objectif de cette installation est triple : d'abord rassurer, prévenir, puis confondre les auteurs de délits ou de crimes.
Rassurer d'abord en apaisant le sentiment d'insécurité que certains habitants peuvent ressentir pour des raisons diverses, objectives ou non. En effet, un sentiment quel qu'il soit est réel pour celui qui le manifeste, que les causes de celui-ci soit quantifiables ou non. Le sentiment d'insécurité est donc réel, que ceux qui le ressentent aient été témoins ou victimes d'agressions, de vols, ou autres atteintes à leur biens ou leur personne, ou pas. Ce sentiment d'insécurité est donc pris en compte par les décisionnaires qui voient dans l'installation des caméras de vidéo-protection une façon si ce n'est de le résorber, au moins de le contenir. L'impact direct de cette mise en place sur le sentiment d'insécurité est difficilement quantifiable, même si à l'échelle nationale le maire a rappelé que 75% des personnes y étaient favorables.
Prévenir ensuite lorsque, dans une zone géographique donnée il est constaté un ensemble d'incivilités, de délits, et de nuisances pour les concitoyens. Le maire rappela par exemple l'installation de caméras après l'inauguration récente du Parc Urbain de Chenôve, lequel avait été le théâtre de rodéos et de dégradations par des scooters et voitures. De son point de vue, l'installation de caméras sur le Parc Urbain a permis de réduire ces nuisances. Quelques personnes ont cependant apporté une limite à ce dispositif, signalant qu'une caméra n'allait faire que « déplacer le problème », les fautifs se redirigeant vers les zones de la ville non-couvertes.
Confondre enfin, lorsqu'une caméra permet de reconnaître l'auteur d'un acte délictueux ou criminel. Les exemples d'affaires résolues grâce à la caméra de surveillance sont nombreux, et à Chenôve-même, ceux qui avaient dégradé les caméras nouvellement installées près de la bibliothèque ont été confondus grâce aux bandes. Mais les chiffres d'Eric Heilmann ont apporté une nuance de taille quant à l'efficacité des caméras dans ce domaine. En effet, les cas résolus grâce à la caméra ne représentent qu'entre 1,5 et 2% du total des affaires résolues par la police. Une efficacité qui parait minime au regard de l'argent investi dans la mise en place du dispositif : pour la ville de Chenôve, ce sont 150 000€ qui ont été dépensés à cette fin depuis le début du programme, pour treize caméras aujourd'hui effectives dans les rues de la ville, et un coût annuel d'entretien de 20 000 €. Une somme bien moindre que dans d'autres municipalités (telles Lyon, Nice) pour lesquelles la vidéo-protection est un projet phare de la lutte contre la délinquance et la criminalité, ce qui n'est pas le cas à Chenôve.
Aujourd'hui donc, ce sont treize caméras en fonctionnement : trois dans le secteur de la bibliothèque, une dans la plaine des Pétigny, une autre rue Armand Thibault, six dans le secteur du Parc Urbain, installées après son inauguration et la constatation des premières dégradations, une seconde ajoutée dans le dessus de la rue Armand Thibault, et enfin une à proximité de l'immeuble d'entreprise Dionysos. Une installation « moyenne » selon les mots du maire, confirmé par Eric Heilmann.
Sur la capacité des caméras à agir sur les trois axes cités plus haut (rassurer, prévenir, confondre), le sociologue a émis de sérieux doutes. Beaucoup d'espoirs ont été placés dans les caméras depuis 2007, ce qui politiquement s'est traduit par une aide allouée aux communes pour installer le dispositif. Mais, selon lui, une caméra seule ne pourra pas faire le travail de policiers sur le terrain (en témoignent les chiffres bas de résolution des affaires), et à elle seule ne pourra être la solution. Ces propos étaient partagés par les élus de la municipalité qui les derniers sur l'agglomération du Grand Dijon ont décidé de s'équiper du dispositif, et dans une moindre mesure que certains voisins.
La parole recueillie lors de micro-trottoirs
En préparation de ce café-citoyen, Julien Colombet (comédien et animateur de la soirée), William Ghibaut (médiateur à la MJC), et Kévin Martin (animateur à la MJC), ont parcouru les rues de Chenôve équipés d'un micro pour aller recueillir l'avis des habitants sur la question, en vue d'en diffuser les enregistrements le soir du débat. Une première pour les cafés-citoyens à la MJC, ce qui a permis d'entendre la voix de ceux qui n'avaient pu être présents.
Lors de ces escapades, de nombreux avis ont pu être enregistrés. Parmi ceux-ci, les convaincus de la vidéo-protection qui voient en elle un moyen efficace de lutte contre la délinquance, et qui les rassure de part sa présence. Quelques témoignages ont relaté par exemple les nuisances perpétrées tardivement en soirée, voire une partie de la nuit, qui ont pu être résorbées, du moins atténuées grâce à l'installation de ces caméras. Le caractère dissuasif semblait à leur yeux évident.
D'autres, convaincus eux aussi de l'utilité du dispositif, ont en revanche émient des doutes sur son implantation à Chenôve : les dégradations sur certaines caméras étaient selon eux dues au mauvais positionnement de celles-ci, trop accessibles et donc trop facilement détériorées.
Beaucoup de personnes se sont posées la question du fonctionnement concret des caméras. Comment choisir le positionnement, leur implantation ? Comment les bandes sont exploitées et combien de temps sont-elles gardées ? Quel coût pour la ville ? Face à une telle méconnaissance du fonctionnement, un certain désintéressement a été manifesté : la caméra ne convainc pas, mais ne dérange pas non plus.
D'autres ont fait part de leur réticences quant à la mise en place de la vidéo-protection. Les points de désaccord divergent, mais c'est principalement l'inefficacité du dispositif qui est pointée. Donner les moyens à la police de faire « correctement son travail » est une parole de nombreuse fois répétée lors des rencontres. Le mot d'ordre « Mettre de l'humain dans l'urbain » semble oublié, selon ces personnes, lorsque la municipalité privilégie l'installation de caméras de surveillance. Un ilotage, une présence policière après 17 heures, la remise en place d'une police de proximité et de médiateurs de ville seraient selon eux de biens meilleurs investissements que des caméras qui, au vue de leur coût et de leurs résultats, sont inutiles, voire augmenteraient la psychose ambiante.
Une psychose qui paraît bien réelle lorsque ce sont les jeunes du coeur de ville qui sont interrogés. L'impression d'être suivis, pistés, ciblés en priorité par le dispositif, leur est insupportable. En plus d'être totalement inefficace, la vidéo-surveillance est pour eux vécue comme une véritable agression, comme la traduction en actes d'être pris pour les « animaux d'un zoo ». Le prix du dispositif leur paraît disproportionné au regard de son efficacité, eux qui auraient préféré voir cet argent dépensé dans des structures ouvertes en soirée, dans des terrains de foot, de jeu... L'idée d'aides à l'insertion par la formation, la professionnalisation a également été évoquée. En se plaignant de ne rien avoir à faire, de ne rien faire de mal, d'être considérés comme « un problème », c'est la colère qui émanait de leur discours. Bien qu'absents de la soirée (malgré l'invitation qui leur avait été faite), leurs voix ont pu être entendues grâce aux enregistrements. M. le maire a pris note de leurs remarques, tout en regrettant le discours de ces jeunes : il souligna le fait que Chenôve est particulièrement bien dotée en ce qui concerne l'accueil des jeunes, que ce soit en équipements sportifs ou en tissu associatif, et que c'est aussi à « eux » de faire les démarches, de s'investir.
Enfin, parmi les témoignages, la question de la vie privée a été soulevée. L'effet Big Brother que peut instaurer les caméras de surveillance, couplées au pistage par carte bleue, carte de transport, géolocalisation... est tout à fait inquiétant du point de vue de certains. Une personne, tout en regrettant de ne pas donner les moyens à la police de faire son travail, invita même à enlever le « Liberté » des frontons de mairie s'il s'agit d'installer la surveillance généralisée.
Des propos qui font écho à la vidéo de conclusion que la MJC a passés en fin de café-citoyen, pour une ouverture sur le sujet de la surveillance. Il s'agit d'une audition de M. Alex Türk, président de la CNIL, en commission de l'Assemblée Nationale, où il évoque le danger de la lenteur politique face aux avancées technologiques en matière de surveillance, évoquant le risque de voir apparaître sous peu (moins de dix ans), des systèmes de surveillances invisibles, microscopiques, qui rendront impossible la certitude de n'être pas écouté, de ne pas être filmé.
Audition de M. Alex Türk, président de la CNIL (Septembre 2010)
Les photos de la soirée








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